Page:Tristan Bernard - Contes de Pantruche.djvu/108

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— Bonjour.

— Je suis un ami de Pierre Arabin, continua Pierre Arabin.

— Ah ! le pauvre bougre ! dit Lucien Cerneaux.

Il s’éloigna. Arabin le suivit. Plus loin, ils rencontrèrent Jean de Louffeuil.

— Bonjour, Louffe, dit Pierre Arabin. Je suis un ami de Pierre Arabin.

— Ah ! le pauvre bougre ! dit Louffeuil.

Tous trois s’en allèrent dans le bal. Cerneaux et Louffeuil ne prenaient aucune garde à ce compagnon inconnu. Quant à Pierre Arabin, il évitait de brusquer les événements et s’en désintéressait peu à peu. Il oubliait même par moments qu’il venait d’être enterré vif.

Cerneaux et Louffeuil se laissèrent faire quand leur mystérieux compagnon les invita à souper.

À table, à mesure qu’approchait l’instant fatal où il allait arracher son faux nez et sa fausse barbe, Arabin se sentait de plus en plus ému. Son émotion augmenta encore quand Cerneaux lui raconta les détails de sa mort, au bar : une congestion rapide après une ingestion d’un certain nombre de cocktails.

Arabin reculait toujours l’instant du coup de théâtre. Cerneaux et Louffeuil avaient bu sec. Ils étaient complètement partis.

— Et, si on vous disait qu’Arabin n’est pas mort, qu’il était en léthargie et qu’il est sorti de sa tombe… dit-il tout à coup d’une voix étranglée.

— On a vu des choses plus extraordinaires, dit Cerneaux.

— Et, si on vous disait qu’il n’est pas loin de vous ?…

— On lui ferait dire de s’amener, dit posamment Louffeuil.

— Et, si c’était moi Arabin ?… dit Arabin, n’osant encore arracher son faux nez.

— Tu blagues, dit Cerneaux.