Page:Tristan Bernard - Contes de Pantruche.djvu/64

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Les contrôleurs, d’un air grave de sénateurs,
Rendirent leur sifflet d’ébène
Et le petit machin que, d’un geste de haine,
Ils enfoncent dans le papier des conducteurs.

Or, à la préfecture, on n’en mène pas large.
Monsieur Lépine est aux abois.
De ce service urbain va-t-il prendre la charge
Avec le sergent Hoff et les gardes du bois ?
Déjà, des voyageurs farouches
Envahissent les bateaux mouches.
Mais ces bateaux, malgré leur bonne volonté,
Ne peuvent atterrir devant la Trinité,
Et ne desservent maintes rues
Que dans les cas de fortes crues.

Donc, nos deux compagnons, renommés tapageurs,
S’en vinrent au matin, au parvis Saint-Eustache,
Riant d’avance en leur moustache
De l’émoi des sergots et des bons voyageurs.
Mais leur surprise fut extrême.
L’un des deux cria : « M… » et l’autre : « Caramba ».
Un spectacle imprévu les rendit plus baba
Que feu Ali-Baba lui-même.

Un très vénérable éléphant
Gonflait ses formes idéales
Entre deux brancards, à l’avant
De l’omnibus Ivry-Les-Halles.
Venus de Belleville et du quartier Gaillon
Des curieux faisaient une affluence énorme
Tout autour de la plate-forme.