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LE RAVISSEMENT D’EVROPE.

SONNET.



EVROPE s’apuyant d’vne main ſur la croupe,
Et ſe tenant de l’autre aux cornes du Taureau,
Regardoit le riuage & reclamoit ſa troupe
Qui s’affligeoit de voir cét accident nouueau.

Tandis, l’amoureux Dieu qui bruſloit dedans l’eau
Fend ſon jaspe liquide & de ſes pieds le coupe
Auſſi legerement que peut faire vn vaiſſeau,
Qui le vent fauorable a droitement en poupe.

Mais Neptune enuieux de ce rauiſſement,
Diſoit par moquerie à ce laſcif Amant
Dont l’impudique ardeur n’a iamais eu de bornes.

« Inconſtant qu’vn ſujet ne ſçauroit areſter,
« Puiſque malgré Iunon tu veux auoir des Cornes,
« Que ne ſe reſout-elle a t’en faire porter.