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LE DESESPOIR.

STANCES.



CELLE que i’ay placée entre les Immortels,
Et que ma paßion maintient ſur les Autels,
La perfide a payé ma foy d’ingratitude :
Aux traits de ſa rigueur ie ſers touſiours de blanc
Et ſon meſpris n’ordonne à mon inquietude
Que des ſouſpirs de flame, & des larmes de ſang.

Encore que mes vers déguiſans ſon orgueil
Par de ſi beaux efforts la ſauuent du cercueil,
La faiſant adorer de l’un à l’autre Pole ;
L’inhumaine qu’elle est, ſe rit de mon treſpas.
Et me pouuant guerir d’vne ſeule parole,
Fait meſme vanité de ne la dire pas.

Puiſque d’vn ſi beau ioug ie ne puis m’affranchir,
Et que tous mes deuoirs ne peuuent la fleſchir,
Par vn dernier effort contentons ſon enuie :
Ceſſons d’estre l’Obiect de tant de cruautez,
Et ſortans de ſes fers en ſortant de la vie,
Teſmoignons vn courage égal à ſa beauté.