Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/17

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tomne d’un vieux mari, et qui, pourtant, ne se sont point étiolées… au contraire ! L’on dit bien à cela que c’était en France et que… mais c’est un fait dont il est inutile d’approfondir les causes. D’ailleurs, le conseiller Barterèze arrivait de Paris. Le digne conseiller n’ignorait pas quels motifs avaient amené une rupture entre Laurent et les Mac Daniel ; une renonciation à ses anciens principes le rapprochait de ces derniers de toute la distance que perdait son rival, et flattait tous les sentimens du vieux loyaliste. En outre, et même en cas d’insuccès de ce côté, le gouvernement anglais lui promettait faveurs et récompenses. Adam n’eut qu’une seule tentation à combattre, et il succomba. Que vouliez-vous que fit le conseiller Barterèze contre deux ?… qu’il cédât ! Une fois ce grand point de résolu, les occasions tardèrent peu à se présenter. À la première, il tourna casaque au parti populaire ; à la seconde, il joua au whist avec le bonhomme Mac Daniel ; à la troisième, il déclara son amour à Alice, du ton le plus fringant du monde. Le parti populaire veux le traître à l’exécration publique ; le bonhomme Mac Daniel reprocha amèrement à son partner des fautes impardonnables au jeu ; quant à Alice, elle le trouva ridicule, puis fatiguant.

Le conseiller n’était pas homme à se tenir pour battu. Outre la perte naturelle de son caractère assez opiniâtre, il était arrivé à cet âge où l’on s’attache aux projets de la vie avec d’autant plus d’ardeur qu’elle semble plus près de nous quitter. La jeunesse, qui voit devant elle de longs jours à jouir, est prodigue et changeante, perdant peu et retrouvant beaucoup ; mais l’âge mûr sait le prix du tems et des choses ; il veut en jouissances l’intérêt de chaque heure dépensée, comme en argent l’intérêt de chaque somme placée à bon taux, il entrait beaucoup de ce calcul dans l’amour du conseiller qui lui-même était tenace comme toutes les plantes grimpantes.

À force de contempler le but, il s’y croyait presqu’arrivé. C’était le sujet habituel de ses méditations, le rêve caressant qui le berçait chaque soir au sortir de la table, à l’heure de paisible digestion où il sommeillait les deux pieds sur les chenets. Il s’y abandonnait donc avec délices le soir du 23 octobre, tout en repassant dans sa mémoire les événemens de la journée.

— Bast ! se disait-il : ils font beaucoup de bruit pour rien. À quoi m’eut servi de pérorer aujourd’hui sur les abus du gouvernement et les droits du peuple ? Cela m’eut-il rapporté un penny ? En me ralliant au contraire au parti couronné, je soutiens un principe d’ordre, je m’élève dans ma carrière administrative, j’améliore mon avenir, et…

Là-dessus le voilà lancé dans les rêves les plus séduisans de fortune, de joies conjugales, même paternelles. Les mains sur les genoux, la tête renversée, les yeux fermés, il se plongeait béatement dans ce