Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/28

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— Au nom du ciel de qui parlez-vous ? demanda Patrick à qui ses terreurs revenaient.

— Eh bien ! de Durand ! Ah ! c’est vrai ! vous ne savez pas le crime qui s’est commis cette nuit. — Je revenais de Montréal chargé d’une lettre de M. Mac Daniel à sa fille, et j’avais choisi la nuit pour voyager afin de n’être point reconnu par ces bandits de patriotes qui me tueraient comme un chien, je crois. En chemin, je rencontrai une escorte de volontaires qui conduisaient deux prisonniers, et je me mis à faire route avec eux, revenant sur mes pas pour causer de quelques affaires avec Denis Mac Daniel qui était du nombre. Tout à coup on nous crie d’arrêter, et un homme que je reconnais pour…

— Pour qui ! demanda Patrick vivement inquiet, en remarquant une soudaine hésitation chez le conseiller, comme si le nom qu’il allait prononcer lui eût brûlé les lèvres.

— Pour… Ce Français qu’on nomme Durand, nous somme de rendre nos prisonniers. Les volontaires répondent par une décharge de leurs armes à feu. Les traîtres ripostent… jour de Dieu ! Me voilà tout d’un coup enveloppé comme d’un réseau de feu, de plomb, de fumée, ne sachant ni fuir, ni rester. — Tout-à-coup, à la lueur d’un coup de pistolet, je vis Denis Mac Daniel tomber de cheval à la renverse, et Laurent de Hautegarde le désignant du doigt à ses assassins, pour le faire égorger.

— Pour le sauver ! imposteur ! cria d’un ton farouche une voix venue du dehors.

— Lui ! encore lui ! s’écria Barterèze plus pâle qu’auparavant.

L’honnête Patrick fut si épouvanté de cette interruption, qu’il disparut sans coup férir, abandonnant le conseiller à son terrible adversaire. Celui-ci s’élança d’un bond dans l’appartement par la fenêtre que, dans la confusion, personne n’avait songé à fermer,

— Écoute, Barterèze, lui dit-il, dois-je te rappeler ce qui s’est passé en France ?

C’est inutile, dit Barterèze qui vit sa dernière heure venue.

— Eh bien ! les délais que ma vengeance t’a laissés sont expirés, et puisque la justice divine ne s’est pas chargée du soin de te changer ou de te punir, la mienne sera plus sûre.

Il posa un pistolet sur la table près de lui.

— Arrête ! dit Barterèze, tout peut encore se réparer.

Allons donc ! reprit l’autre avec un rire cruel. Tu comprends enfin ! Donne-moi d’abord la lettre dont Mac Daniel l’a chargé.

— Je ne l’ai plus, balbutia Barterèze.

— La lettre ! la lettre ! reprit Durand avec emportement.

Il plongea la main dans les vêtemens du conseiller, et ne la trouvant pas, pris un flambeau et sortit. Un instant après, il rentra tenant