Page:Trobriand - Le rebelle, 1842.djvu/31

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de telle sorte que le camp renferme tantôt plus de mille hommes, tantôt moins de cent. — Tout cela par l’entêtement de ce pauvre Brown que sa blessure à la tête a rendu tout-à-fait inhabile au commandement qu’il exerce. Les difficultés augmentent chaque jour pour se procurer des vivres et des armes, surtout loin d’un ennemi qui ne se montre pas…

— Qui se montrera, tenez-le pour certain, dit Durand. Le combat d’hier a été le résultat d’un plan de campagne dirigé contre Saint-Charles. Le colonel Gore qui s’est fait battre, venait de Sorel, et ne comptait que se reposer à Saint-Denis, avant d’opérer contre vous simultanément avec le colonel Wetherall qui vous arrive de Chambly. C’est de ce côté que nous devons nous attendre à être attaqués sous peu, car les dépêches ont été interceptées, et le malheureux jeune homme qui en a été chargé, le lieutenant Weir a été tué au commencement de l’action en cherchant à s’évader.

Dès le lendemain les événements prouvèrent l’exactitude de ces détails, et la justesse des prévisions.

— Je vous cherchais, dit Durand en rencontrant son compagnon de route : voici les Anglais.

— Allons, répondit celui-ci. — Je serai peut-être plus heureux qu’à St.-Denis. Où sont-ils ?

— Ils se rangent en bataille devant nos retranchements. Nos avants-gardes se sont repliées en coupant les ponts, ce qui n’a point arrêté leur marche.

Les deux patriotes se rendirent du côté menacé par l’ennemi. Cette partie était défendue par deux canons dont les affûts immobiles annulaient presque l’effet. Les Anglais amenaient trois pièces de campagne qui ouvrirent immédiatement leur feu ; mais là aussi le tir généralement trop haut faisait peu de mal aux rebelles et n’endommageait guères que le manoir et l’église. La mousqueterie était sans effet sur les hommes à l’abri derrière les retranchements. On en était encore à ces bruyants échanges de projectiles inoffensifs, quand tout-à-coup un bruit inquiétant se répandit parmi les assiégés : leur chef Brown venait de prendre la fuite.

— Qu’importe ! s’écria de Hautegarde. Ignorez-vous que Brown est atteint d’aliénation mentale. Sa fuite est un bonheur pour nous ! Hurrah ! et mort aux Anglais !

Le feu des pièces continua, mais mollement ; une partie des combattants s’enfuit même découragée. Ceux qui restaient encore se fatiguaient déjà d’un combat si peu meurtrier quand un mouvement des troupes anglaises leur annonça une attaque plus sérieuse.

— Ils viennent à nous, s’écria Laurent, recevons-les bien.