Page:Trollope - La Pupille.djvu/208

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tement raison de ne pas dépenser plus que votre revenu ; je vais donc boire un verre d’eau ; si vous vous le rappelez, Sophie, cela se passait ainsi souvent à Bamboo-Cottage.

— Je me le rappelle parfaitement, monsieur, et je me dis souvent que, si d’autres se rappelaient Bamboo-Cottage aussi bien que moi, tout se passerait plus convenablement ici. »

Personne ne répondit ; mais, après quelques minutes, mistress Heathcote demanda du pain. Sophie reprit sur son même ton querelleur :

« Je vous serais fort obligée, madame, de ne pas toujours déranger mon domestique : car, tant que j’aurai les énormes charges que je suis forcée d’endurer en ce moment, il me sera impossible de prendre un autre valet, et cependant cela ne peut pas durer ainsi.

— Je crains que si, répondit le major ; du reste, nous verrons, et avant de nous décider…

— Je n’entends pas que l’on me dicte ce que je dois faire dans ma maison ! s’écria l’impertinente Sophie en se levant. Dieu m’est témoin que j’ai fait tout mon possible pour vivre en paix avec vous autres ; mais ceci est trop fort. »

Et là-dessus elle sortit en tirant violemment la porte, ce qui produisit à peu près l’effet qu’elle avait espéré. Mistress Heathcote et sa fille étaient atterrées ; mais le major paraissait si peu troublé, qu’elles se remirent aussitôt, et ils continuèrent le dîner commencé en causant librement, et beaucoup plus qu’à l’ordinaire. Après le repas on fit venir les enfants ; le père, la mère et Florence jouèrent gaiement avec eux, et ce fut, à n’en pas douter, la plus charmante soirée que la famille eût passée chez miss Martin Thorpe.

Malheureusement, l’héritière ne vit pas cette gaieté libre et franche : car, retirée dans son boudoir, elle