Page:Trollope - La Pupille.djvu/79

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Après avoir choisi Milton, son auteur favori, Algernon alla retrouver sa sœur et sa mère avec sir Charles, et s’écria en entrant :

« Je suis bien heureux d’avoir vu la cascade aujourd’hui, Flora, car maintenant il est probable que je sortirai peu.

— Oh ! que tu es heureux de pouvoir lire le Paradis perdu ! s’écria Florence ; quand tu l’auras fini, je demanderai à mon oncle Thorpe la permission de le lire aussi.

— Certes, miss Heathcote, il en sera ravi, dit sir Charles ; mais, prévoyant votre désir de lire Milton, j’ai descendu ce volume de ses petits poèmes, et je vais, si cela vous plaît, vous les lire à haute voix. »

Algernon alla se placer auprès de M. Spencer, pour profiter de sa table et de ses bougies, et fut bientôt plongé dans sa lecture. Charles posa sa chaise entre celles de Florence et de sa mère, et commença sa lecture à voix basse, mais avec une expression saisissante.

Florence ne parlait pas, et paraissait absorbée : la voix de sir Charles rendait la poésie si douce et si passionnée !

La cloche qui annonçait l’heure de la toilette sonna sans qu’Algernon, sa sœur et sir Charles l’entendissent ; mais M. Spencer se leva et sortit, miss Martin en fit autant. M. Heathcote prévint deux fois sa fille, qui l’entendit à peine et se laissa emmener comme un enfant sans savoir ce qu’elle faisait.

Cependant la jeune fille n’était plus la même que le matin. Elle se sentait tout émue et ne se rendait déjà plus compte de ses sentiments ; quant à sir Charles, en montant s’habiller, il comprit parfaitement qu’il était amoureux et qu’il était trop tard pour combattre cette passion ; mais, habitué depuis longtemps à se priver de presque tout ce qu’il désirait, il se dit :

« Puisque je ne puis empêcher cet amour, je le sup-