Page:Trollope - La Pupille.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Maintenant, Charles, j’attends vos conseils. Qu’avez-vous remarqué pendant ces quinze jours, et à qui m’engagez-vous à laisser mes biens ? »

Sir Charles, après avoir un peu réfléchi, et ne voulant pas nommer Florence, qu’il espérait pouvoir épouser un jour, ce qui aurait précisément amené le résultat qu’il avait voulu empêcher en refusant l’héritage de son ami, lui répondit enfin :

« Je ne vois qu’Algernon qui soit vraiment digne de vous succéder, mon ami.

— Folie ! Vous savez bien que je n’irai pas choisir pour remplacer mon fils un enfant qui doit mourir aussi jeune que Cornélius ; n’en parlons donc plus, je vous prie.

— Alors ce sera donc un des fils Spencer ?

— Non, certes, je les trouve insipides et ne veux rien leur donner ; quant aux misses Wilkyns, elles sont assez riches pour se passer de mes bienfaits. »

Sir Charles se rappela les prédictions d’Algernon et tressaillit.

« J’ai fait choix, reprit M. Thorpe, d’un pauvre être privé de bonheur, qui n’a ni père ni mère, ni amis ni fortune : Sophie Martin sera propriétaire de Combe après ma mort. Non-seulement j’ai découvert en elle des qualités de cœur et d’esprit, mais elle me rappelle mon pauvre fils autant que si elle était sa sœur.

— Puisse-t-elle être digne de vos bontés ! »

Et les deux amis retombèrent dans le silence. Après une soirée assez triste, ils se séparèrent. Quelques jours plus tard, sir Charles annonça à M. Thorpe qu’il ne pouvait différer son voyage en Italie, et il vint dîner une dernière fois avec lui.

Le baronnet retournait chaque jour dans le bois, à l’endroit où il avait entendu pour la première fois chanter Florence, et il ne se sentait plus la force de quitter