Page:Trollope - La Pupille.djvu/94

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soit pas familière, et qui aime tant son frère et sa belle-mère.

— Vous vous trompez, Nancy ; tout ceci ira à l’aîné des fils Spencer. Monsieur l’aime beaucoup ; puis il lui trouve de la ressemblance avec son pauvre fils.

— Je dois vous croire, ma tante, parce que vous êtes bien informée ; mais je n’aurais jamais pensé cela. »

Quelques jours après cette conversation, M. Thorpe envoya prier deux de ses voisins de venir lui servir de témoins et signer son testament ; puis, quand toutes les formalités furent remplies, il remit le papier au notaire et se sentit débarrassé d’un poids énorme.

Pendant quelques semaines il végéta tristement, puis il se sentit tout d’un coup plus souffrant. Il essaya vingt tisanes différentes ; rien ne dissipa sa langueur, et il prit enfin le lit avec une résignation qui épouvanta sa bonne femme de charge. Lui, qui d’ordinaire se mettait en fureur à la vue d’un médecin, il recevait le sien tous les jours sans se plaindre ; il se laissait soigner, veiller et dorloter par mistress Barnes, et la pauvre femme, en voyant de tels symptômes, se prit d’avance à pleurer son maître : il fallait en effet qu’il fût mourant pour être aussi tranquille. Elle ne se trompait pas : un matin qu’après une veille de quatre nuits consécutives, mistress Barnes était un peu fatiguée, M. Thorpe reprit un instant le ton grondeur qui lui était autrefois habituel, et il s’écria en se mettant sur son séant : « Allez donc vous reposer, Barnes ; vous voyez bien que je vais beaucoup mieux aujourd’hui, et que je n’ai besoin de personne. » En entendant ces mots, la pauvre vieille ne se sentit pas de joie ; mais, hélas ! quand au bout de deux heures elle revint près du malade, elle le trouva tellement changé, qu’elle vit bien que sa dernière heure était venue.

Je ne suivrai pas torture par torture l’agonie du vieil-