Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/113

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M. Owen quand elle occupait la haute position d’héritière de Llanfeare, refusé, sans doute, pour obéir à la volonté de son oncle, et non pour donner satisfaction à ses propres sentiments ; mais elle l’avait refusé. Dans la suite, quand elle avait cru que, d’après le testament, elle recevrait une certaine somme d’argent, elle avait pu revenir, en elle-même, sur son refus, et considérer de nouveau quelle conduite elle tiendrait. Si cette somme était assez considérable pour qu’en épousant M. Owen elle apportât l’aisance dans son intérieur, loin d’être une charge pour son mari, ce serait peut-être son devoir de l’épouser, puisqu’elle l’aimait de tout son cœur et avait l’assurance d’être aimée par lui. Même ainsi, il y aurait toujours eu contre le mariage cette grosse objection qu’elle l’avait refusé quand elle était une grande dame. Mais maintenant, il n’y avait pas d’hésitation possible. Pourrait-elle, elle qui l’avait refusé parce qu’elle était l’héritière de son oncle, et pour cette seule raison, pouvait-elle, maintenant qu’elle était pauvre, accepter d’être une charge pour lui ? Il serait, sans nul doute, assez généreux pour renouveler sa proposition. Elle connaissait bien la noblesse de son cœur ; mais, elle aussi, elle pouvait-être généreuse et montrer un noble cœur. C’est ainsi qu’elle raisonnait avec elle-même, et qu’elle faisait à son inflexible fierté le sacrifice de ses plus tendres affections.

Ainsi, le retour annoncé de M. Owen ne devait guère la rendre heureuse.

« Il sera ici demain, lui dit sa belle-mère. « Mrs. Richard l’attend par le dernier train de la nuit. Je l’ai vue hier, et elle me l’a dit. » Mrs. Richard était la respectable dame chez qui logeait M. Owen.

« Je n’en doute pas, » dit Isabel d’un ton ennuyé ; elle était fâchée que l’on suivît d’un œil si attentif les allées et venues de M. Owen.