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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/126

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temps en temps, où l’intérêt public exige que l’on scrute la vie privée des individus, et nous estimons que les circonstances actuelles sont de cette nature. » Et le style devenait de plus en plus vif, les insinuations de moins en moins dissimulées ; il était aisé de comprendre que l’on voulait réduire Henry Jones à poursuivre en justice l’auteur de la diffamation, afin que la partie adverse pût le soumettre lui-même à un interrogatoire et lui faire avouer ce qui avait été dit, ce qui s’était passé entre lui et son oncle, dans les quinze derniers jours de la vie du vieillard. Beaucoup pensaient que, si l’on arrivait à le faire comparaître comme témoin, on tirerait de lui tous les aveux qu’on voudrait, si du moins il avait des aveux à faire. Sa poltronnerie était bien connue, exagérée même par ceux qui l’entouraient. On racontait de lui comment il vivait toujours dans la même pièce, comment il ne sortait presque jamais de la maison, comment il passait toutes ses journées dans la plus complète inaction. On exagérait la singularité de ses habitudes ; et tout Carmarthen croyait que le remords de quelque crime mystérieusement accompli le rendait incapable de remplir aucun des devoirs de la vie nouvelle qu’il était appelé à mener. Quand on lui parlait, il tremblait ; quand on le regardait, il se détournait.

On recherchait curieusement quelles étaient ses habitudes. — On disait que la Gazette de Carmarthen était le seul journal qu’il eût entre les mains, et qu’il passait des heures entières à lire et à relire les accusations terribles que l’on dirigeait contre lui, non ouvertement, mais à mots couverts. Les hommes de loi, et M. Apjohn lui-même, sentirent bientôt que Henry Jones, s’il était innocent, devait à l’honneur et à la considération de l’ancienne famille dont il portait le nom, de se justifier en pour