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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/140

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ce que j’ai dit, ou consentir à ce qu’on répète dans tout le comté que vous vous êtes rendu coupable d’un acte criminel, et que vous avez, comme un vulgaire filou, dérobé une fortune à votre cousine.

— Je n’ai commis aucune action coupable, » dit le malheureux, pleurant à chaudes larmes.

« Alors, allez le déclarer à la face du monde, » dit l’avoué, frappant violemment la table de son poing. « Allez le dire, et qu’on vous entende, au lieu de rester ici à pleurer comme une femme. Comme une femme ! Quelle femme honnête supporterait de telles insultes ? Si vous n’agissez pas, vous convaincrez tout le monde, vous convaincrez vos voisins et moi que vous avez fait disparaître le testament. Dans ce cas, nous remuerons ciel et terre pour découvrir la vérité. L’éditeur du journal s’expose de parti pris à une poursuite, pour vous forcer à subir l’interrogatoire d’un avocat, et tout le monde dit qu’il a raison. Vous ne pouvez prouver qu’il a tort qu’en acceptant le défi. Si vous le refusez, vous reconnaissez, comme je vous le disais, que… que vous avez, dans l’ombre, commis un crime ! »

Y eut-il jamais torture plus cruelle, plus injuste que celle-là ? On lui demandait de tendre ses mains aux menottes, d’aller, de lui-même, s’étendre sur la roue, pour s’y voir briser les membres et arracher le cœur ! Il devait aller volontairement dans une cour de justice, pour y être harcelé comme un rat par un terrier, pour y être mis en pièces par un habile chicaneur, un bourreau de profession, pour y être contraint de révéler malgré lui les secrets les plus cachés de son âme, — ou autrement se résigner à vivre dans le mépris des hommes. Il se demanda s’il avait mérité tout cela, et il se répondit à lui-même qu’il n’avait pas mérité un si dur châtiment. S’il n’était pas tout à fait innocent, s’il n’était