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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/151

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Quelques questions qu’on pût lui poser, on n’établirait aucune charge contre lui. S’il brûlait le testament, nul ne le saurait. Si le testament restait caché, on pourrait peut-être tirer de lui son secret ; mais aucun avocat, si habile qu’il fût, n’arriverait jamais à lui faire dire qu’il avait livré le papier aux flammes.

Il était là assis à le regarder, en grinçant des dents et en serrant les poings. S’il osait ! s’il pouvait ! Un instant il fut décidé. Mais aussitôt apparurent devant ses yeux le juge, le jury, tout l’appareil de la cour et les longues horreurs d’un emprisonnement à vie. En ce moment même, ces femmes qui l’épiaient pouvaient être occupées à surveiller ses actions. Et alors même qu’il n’y aurait eu ni femmes curieuses, ni jugement, ni preuves, il aurait toujours sur la conscience une faute entraînant la damnation de son âme, un crime que le repentir ne pourrait effacer que s’il l’expiait en se livrant lui-même à la justice. À peine avait-il résolu de détruire le testament, qu’il se sentait incapable de le détruire. À peine avait-il senti son impuissance, que le désir d’agir renaissait plus vif en lui. Quand, à trois heures, il se traîna péniblement jusqu’à son lit, le papier était de nouveau dans le livre de sermons, et le livre à sa place habituelle sur le rayon.

À l’heure dite, M. Griffiths arriva ; son attitude montrait qu’il croyait à un heureux dénouement de l’affaire ; il voulait être bienveillant et gracieux.

« Eh bien, monsieur, voyons ce que c’est ; j’espère que ce que vous allez me dire mettra enfin votre esprit en repos. Vous avez été bien malheureux depuis la mort de votre oncle.

— Vraiment oui, monsieur Griffiths.

— Qu’y a-t-il maintenant ? Quoi que ce soit, soyez certain que vous aurez en moi un confident chari-