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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/158

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lui dire un jour que le moment était venu où elle serait fière de devenir sa femme ! « Je vous aime assez pour être heureuse de vous donner quelque chose ; mais je vous aime trop pour avoir voulu vous imposer un fardeau, quand je ne pouvais rien vous donner. » C’est alors que l’on échangerait de doux baisers ! Quant au cousin Henry, elle n’avait même pas de compassion pour lui. Il serait temps de prendre son sort en pitié quand il aurait été contraint d’abandonner ce qu’il avait acquis par des moyens malhonnêtes, et de confesser ses fautes.

On n’expliqua pas à Mrs. Brodrick ce que disaient les journaux, et elle attachait d’ailleurs peu d’intérêt à cette campagne entreprise contre le cousin Henry. Que l’on amenât Isabel à accepter le legs, de manière que M. Owen pût l’épouser et l’emmener, c’était tout ce qu’elle désirait. Si les revenus réunis d’Isabel et de M. Owen étaient suffisants pour que le nouveau couple ne dût pas être aidé par M. Brodrick, c’était assez pour Mrs. Brodrick ; elle s’inquiétait fort peu de Llanfeare. Qui sait même si elle désirait voir la demi-sœur de ses propres enfants s’élever si haut au-dessus de leur modeste position ? Et il était si facile à Isabel de s’assurer sur-le-champ cette aisance ! Il suffisait d’un mot, d’un mot qu’une fille moins entêtée n’aurait pas hésité à prononcer. Quant à l’héritage considérable qui devait dépendre d’un aveu de culpabilité si invraisemblable, elle le considérait comme aussi éloigné que jamais.

« Maudits soient les journalistes ! » disait-elle à sa fille aînée ; « pourquoi ne signe-t-elle pas un reçu et ne touche-t-elle pas son revenu, comme le ferait une autre ? Elle a commandé hier des bottines neuves chez Jackson ; où est l’argent pour les payer ? »

Sa malveillance était encore envenimée par des reproches sévères qu’elle avait reçus de son mari.