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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/19

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visiblement décliné. Il ne s’était jamais beaucoup intéressé aux choses de l’esprit ; mais le peu qu’il avait toujours fait, il le faisait encore. Il lisait tous les jours, du commencement à la fin, un exemplaire du journal le plus profondément conservateur qui se publiât alors, et, avec celui-là, un numéro hebdomadaire du Gardien occupait la somme des heures réservées à l’étude. Chaque dimanche, il lisait deux sermons, le docteur lui ayant défendu d’aller à l’église, à cause des courants d’air ; il pensait apparemment qu’il serait peu digne de lui de faire de cet inconvénient un prétexte pour éviter un devoir ennuyeux. Il consacrait religieusement une heure par jour à la lecture de la Bible. Le reste de son temps, il le donnait au soin de sa propriété. Rien ne lui faisait plus de plaisir que la venue d’un de ses fermiers ; il les connaissait tous si bien que, malgré son grand âge, il n’oubliait jamais le nom de leurs enfants. La pensée d’élever la redevance d’un fermier lui semblait abominable. Autour de la maison, il y avait environ deux cents acres de terres qu’il était supposé affermer. Sur ces terres, il maintenait une demi-douzaine d’hommes vieux et usés, dans des conditions telles qu’il ne recevait jamais rien d’eux ; sur ce sujet, il n’aurait écouté les remontrances de personne, pas même d’Isabel.

Tel que nous l’avons dépeint, Indefer aurait été un heureux vieillard pendant ses dernières années, si son esprit n’avait été tourmenté chaque jour et à toute heure par le souci toujours présent de la transmission de la propriété. Un cœur plus tendre ne pouvait battre dans une poitrine humaine. Tout ce qu’il avait d’amour dans le cœur, il l’avait donné à Isabel. Nul homme n’avait éprouvé avec plus de vivacité que lui le sentiment du devoir dont il était possédé ; et, sous l’empire de ce sentiment, il se disait à lui-même que, dans la destination à donner à sa propriété, il