Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/193

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adresse. Mais au moins il pouvait brûler le testament ; il pouvait le tirer du livre, le fixer au bout de son tisonnier et le tenir dans le feu. Ou bien, comme on ne lui allumait pas de feu pendant ces mois d’été, il pouvait le consumer à la flamme d’une bougie, quand la nuit serait assez avancée pour que toute la maison dormît ; ensuite il avalerait les cendres. Il sentait qu’il aurait assez d’énergie pour faire tout cela, si seulement il pouvait se décider à l’accomplissement du crime.

Il pensait que dans son crime même il puiserait un nouveau courage. Ayant détruit le testament, certain de n’avoir pas été vu, et comprenant que sa sûreté dépendait de son silence, il ne doutait pas qu’il ne sût cacher son secret, même en présence de M. Cheekey.

« Je ne sais rien du testament, » dirait-il, « je ne l’ai ni vu, ni cache, ni trouvé, ni détruit. »

Sachant bien que s’il paraissait hésiter, il était perdu, il était déterminé à maintenir énergiquement ces quatre dénégations. Il serait alors bien plus ferme et plus en sûreté que dans sa position actuelle d’homme à demi coupable.

Il était si complètement absorbé dans ses pensées, si impatient de prendre enfin une résolution décisive, qu’il ne savait plus où il était, quand la voiture s’arrêta devant sa porte. En entrant dans la maison, il avait les regards étonnés d’un homme qui se trouve dans un lieu tout nouveau pour lui ; sans dire un mot, il alla dans la bibliothèque et s’assit sur son fauteuil. Une servante vint lui demander s’il ne fallait pas donner de l’argent au cocher.

« Quel cocher ? » dit-il. « Qu’il aille trouver M. Apjohn ; c’est son araire et non la mienne. » Il se leva et ferma violemment la porte, quand la femme se fut retirée.