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Page:Trollope - Le Cousin Henry.djvu/225

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« Ma chère Isabel, » dit-elle, « quelle différence ! Vous allez être une riche dame, et vous n’aurez pas à vous préoccuper du prix des bottines. » Les sœurs parlaient avec la même franchise et avaient pour Isabel une sorte d’admiration respectueuse.

Trois ou quatre jours après le retour de M. Brodrick, Isabel mit son châle et son chapeau et alla seule chez M. Owen. Elle connaissait ses habitudes, et savait qu’on le trouvait généralement chez lui une heure avant son diner. Ce n’était pas le moment, se disait-elle, d’être formaliste. Leurs relations avaient été trop familières pour qu’elle vît quelque inconvenance dans sa démarche ; peu lui importait ce qu’on en penserait. Néanmoins elle rougit sous son voile, quand elle demanda à la porte si M. Owen était chez lui. M. Owen était chez lui, et on la fit entrer dans le salon.

« William, » dit-elle, — malgré leur intimité, elle ne l’avait jamais appelé William auparavant, — « vous avez appris les nouvelles ?

— Oui, j’en ai eu connaissance, » dit-il d’un ton très sérieux, sans ce sourire avec lequel il avait jusque-là accueilli les objections d’Isabel.

« Et vous n’êtes pas venu me féliciter ?

— J’aurais dû le faire. Je conviens que j’ai mal agi.

— Mal — très mal ! Comment pouvais-je être heureuse de me voir rétablie dans mes droits, si vous n’étiez pas heureux avec moi ?

— Cela ne me regarde pas, Isabel.

— Au contraire, absolument, monsieur.

— Non, ma chère.

— Ce changement est considérable pour moi ; sans vous, il me laissera indifférente. Vous le savez, je suppose ? » Elle attendit sa réponse. « Vous le savez, n’est-ce pas ? Vous connaissez mes sentiments pour vous ? Pourquoi ne me répondez-vous pas ? Hésitez-vous à le faire ?