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Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/216

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sances fussent d’un ordre relevé. Il lisait beaucoup et goûtait même, à sa façon railleuse et cynique, la poésie ; il avait le sens critique très-développé, aimait les tableaux, se vantait d’admirer la nature et, par-dessus tout, prenait plaisir à observer et analyser les hommes. Il avait au plus haut degré ce que l’on pourrait nommer un esprit d’avocat, mais il n’avait pas le côté vulgaire de cet esprit.

Lui aussi il aimait les richesses et se disait que le principal, peut-être même le seul but d’un homme doit être de réussir dans le monde ; mais c’était un succès brillant et délicat qu’il ambitionnait. Sir Lionel voulait de l’argent pour le manger et le dévorer, comme un requin engloutit sa proie ; comme le requin aussi, il avait toujours été affamé. Jamais il n’avait eu de l’argent tout son soûl. Harcourt avait d’autres idées à ce sujet. Il ne voulait rien devoir à qui que ce soit. Avoir un bon crédit ouvert chez son banquier, c’était le vœu le plus cher de son cœur. Il voulait une position parfaitement respectable et une indépendance complète.

Les enseignements de Harcourt furent donc, pendant un certain temps, plus salutaires que ceux de sir Lionel, et George lui-même dut se l’avouer. Harcourt prêchait l’amour des prospérités matérielles, mais à la condition qu’elles fussent la récompense du travail. Pour sir Lionel, l’idéal du bonheur était un gros magot d’argent, tombé de n’importe où, trois mois d’oisiveté pour le dépenser, et la compagnie de quelques bons diables bien gais aux poches aussi bien garnies, pour le moins, que les siennes. Harcourt demandait