Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/23

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— Il a tout ce qu’il s’attendait à avoir, en tout cas ; donc il n’est pas malheureux.

— Malheureux ! qui parle d’être malheureux ? Il faut fermer le tiroir sur tout cela, mon vieux. Allons chez Parker, Harcourt y sera. Tu savais qu’il était ici, n’est-ce pas ?

— Non, et j’aime mieux ne pas le voir pour l’instant.

— Voyons, Wilkinson, il faut prendre le dessus.

— C’est bien aisé à dire pour toi qui n’as rien à surmonter.

— Et penses-tu que je n’aie jamais rien eu à surmonter ? En un mot, je suis venu pour t’empêcher de broyer du noir tout seul ici, et je ne vais pas te quitter. Autant vaut venir avec moi tout de suite.

Avec un peu d’hésitation, Wilkinson fit entendre à son ami qu’il n’avait pas encore écrit à sa famille et qu’il ne pouvait sortir avant de s’être acquitté de ce devoir.

— Alors je te donne dix minutes pour ta lettre ; c’est plus que suffisant, quand même tu y mettrais mes amitiés pour ma tante et mes cousines.

— Je ne puis pas écrire pendant que tu es là.

— Allons donc ! quelle histoire ! Tu écriras, et je serai là. Je ne souffrirai pas que tu te rendes malheureux pour une niaiserie. Voyons, écris. Si ce n’est pas fait en dix minutes, je m’en charge ; et, tout en parlant, Bertram prit un volume d’Aristophane pour se distraire en attendant.

Le malheureux Wilkinson rapprocha de nouveau son fauteuil de la table, mais il avait le cœur serré. Væ victis !