Page:Trollope - Les Bertram, volume 1.djvu/77

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l’était davantage ? Voilà ce qu’il ne pouvait décider. Faire du bien aux autres ou atteindre à une grande renommée lui semblaient des ambitions dignes d’occuper la vie d’un homme. Mais ferait-il le bien afin d’arriver à la renommée, ou bien se contenterait-il d’obtenir la gloire, si tant est qu’il dût jamais l’obtenir, parce qu’il aurait cherché à faire le bien ? Ni son caractère ni ses principes n’étaient assez arrêtés pour que, sur ce point, son parti fût pris.

La nécessité de voir son oncle avant d’agir lui permit d’ajourner pendant quelque temps sa décision. Il resta pendant trois ou quatre jours avec Harcourt et ne fut pas insensible au plaidoyer éloquent de son ami en faveur de la vie publique à Londres. Mais il l’écoutait dans un esprit d’antagonisme. Quand Harcourt lui parlait des triomphes de l’avocat, Bertram lui opposait la joie qu’il y aurait à gagner au ciel quelques âmes rustiques — là-bas, dans la paisible solitude d’une paroisse de campagne ; quand son ami lui promettait une place au Parlement et, dans un avenir plus éloigné, l’hermine judiciaire, il soupirait et parlait de la gloire littéraire qu’on peut goûter au milieu des beautés de la nature. Harcourt comprenait tout cela à merveille ; il ne cherchait pas à convaincre son ami, mais seulement à le conduire.

M. George Bertram, l’oncle, était un homme marquant dans la cité de Londres. Je ne saurais dire au juste quel était son commerce, ni même s’il faisait, à proprement parler, un commerce quelconque. Mais on ne pouvait douter que ce ne fût un homme riche et