Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/10

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dédaignerai tout artifice. Pour une fois, pour une fois seulement, si c’est possible, je dirai la vérité tout entière. J’aime George comme jamais je ne pourrai en aimer un autre. Je l’aime comme jamais je n’avais supposé que je pourrais aimer. En ce moment, il me semble que j’accepterais d’être sa servante. Mais celle qui sera sa femme devra lui être soumise, — et moi, combien de temps pourrais-je m’y résigner ?

« Mais en ceci, je lui fais injure. Il est impérieux — aussi impérieux que possible ; il faut qu’il soit le maître en toutes choses, voilà ce que je veux dire : mais celle qui l’aimerait et qui se soumettrait à tout, trouverait en lui le maître le plus tendre, le plus doux et le plus dévoué. Il ne permettrait pas aux vents du ciel de souffler trop rudement sur son esclave. Je l’ai aimé profondément, mais je n’ai pu me soumettre. Je n’aurais pu me soumettre pendant toute la vie ; il vaut donc mieux que nous soyons séparés.

« Ce que je vous dis là vous étonnera, car dans le monde il semble si bon enfant. Personne n’est moins exigeant que lui avec les indifférents, mais avec ceux qui le touchent de près il ne cède jamais — pas seulement d’une ligne. C’est là ce qui lui a aliéné son oncle. Mais pourtant il est plein de noblesse et de grandeur. Les considérations d’argent lui sont totalement indifférentes. Tout mensonge, toute cachotterie même lui est impossible. Connaissons-nous quelqu’un qui l’égale, qui puisse même lui être comparé comme talent ? Il est brave, généreux et simple de cœur au delà de tout ce que l’on peut imaginer. Qui lui ressemble ? Et