Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vieil ami à la barbe grise ? ne portes-tu pas envie à ce jeune drôle avec ses vingt-cinq ans, bien qu’il ait eu de la peine à trouver de quoi payer sa paire de gants ? Il dîne pour trente sous au cabaret, mais qu’importe à Maria où il a dîné ! Il erre, les poches vides, à travers les blés… et, au détour du sentier, il trouve Maria qui l’attend. Il ne faut pas lui en vouloir ; tu as eu tes promenades dans le temps ; prête-lui plutôt ces quarante francs qu’il veut l’emprunter, et, grâce à toi, le cœur de Maria battra de joie à la vue de la broche en or qu’il lui offrira.

Pour notre ami sir Henry, toutes les joies étaient au présent. Il avait la jeunesse, la fortune et l’amour, tout ensemble. À vingt-huit ans, il était membre du parlement, solliciteur général, propriétaire d’une superbe maison dans Eaton-Square, et il allait épouser une femme d’une beauté accomplie. Ne devait-il pas lui être doux d’errer parmi les blés ? Ne se trouvait-il pas en plein paradis terrestre, et la coupe du bonheur ne débordait-elle pas entre ses mains ?

Ils se mirent donc en route. C’était la première fois qu’ils se promenaient ensemble. Cette histoire ne se charge pas de raconter quels avaient pu être les exploits antérieurs de sir Henry en ce genre. Quand on est solliciteur général à vingt-huit ans, on n’a guère eu le temps de se promener beaucoup. Mais, l’expérience qui lui manquait peut-être, Caroline l’avait. À Littlebath, il y avait eu des promenades à pied aussi bien qu’à cheval ; il y en avait eu également, mais d’une douceur plus mélangée peut-être, parmi