Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/194

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— Que diable venez-vous donc faire ? qu’est-ce qui vous amène ? répéta le vieillard, qui se tenait à l’entrée de la salle à manger, appuyé sur ses deux béquilles. Peu lui importait, à lui, qui pouvait l’entendre ; peu lui importait le froid, ou la nature des motifs qui amenaient mademoiselle Baker. Il savait qu’un voyage de Littlebath à Londres, aller et retour, coûterait, fiacres et commissionnaires compris, une soixantaine de francs. Il savait, ou il croyait savoir, que cette dépense eût pu être évitée. Il savait que son rhumatisme le tourmentait, que son vieux corps était tout endolori, qu’il ne pouvait dormir pendant la nuit, ni aller pendant le jour dans la Cité pour voir comment marchaient les affaires ; il savait que pour lui la fin s’approchait et que le tombeau le réclamait. Il n’était pas bien surprenant que le vieux Bertram fût de mauvaise humeur.

— Je vous le dirai, si vous voulez me laisser entrer, dit mademoiselle Baker. Montez la caisse, Mary. Comment ? deux schellings et demi ? par exemple ! deux, schellings, c’est bien assez. Ceci s’adressait au cocher.

Il y a lieu de croire que c’était là une parcimonie affectée par mademoiselle Baker dans le but d’apaiser M. Bertram, mais elle ne produisit pas l’effet voulu.

— Un schelling et demi, cria-t-il de toutes ses forces, debout entre ses deux béquilles. Ne lui donnez pas un liard de plus.

— Mais, monsieur, le bagage… dit le cocher.

— Bagage ! tonna le vieillard. Il pouvait être impotent de ses membres, mais il ne l’était pas des pou-