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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/237

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Avait-il vraiment été cruel ? Avait-il été sans pitié ? Avait-il refusé ce pardon des offenses que chacun de nous est forcé de réclamer pour soi ? Voilà ce que Bertram était forcé de se demander. Et puis vint cette autre question, à laquelle il ne pouvait plus faire désormais qu’une seule réponse. Avait-il lui-même causé son propre naufrage ? Avait-il poussé de gaieté de cœur sa barque contre l’écueil quand la voie était libre devant lui ? Ne l’avait-elle pas tout à l’heure assuré de son amour, bien qu’aucune parole de tendresse ne fût tombée de ses lèvres ? Qui donc avait fait tout le mal ? Oui, oui, ce n’était que trop certain : lui seul avait tout fait.

En acquérant cette certitude, Bertram ne se sentit pas plus heureux. Il n’éprouvait aucune consolation à se dire que Caroline l’avait aimé, qu’elle l’aimait encore. Jusqu’à ce jour il s’était cru un homme lésé, mais maintenant il devait se dire que c’était lui qui avait fait tout le mal. « À qui la faute ? Vous… vous, dans votre orgueil, vous n’avez rien su pardonner. » Ces paroles résonnaient à son oreille ; sa mémoire lui rappelait à chaque instant l’accent avec lequel elles avaient été dites. Caroline l’avait accusé d’avoir détruit toutes ses espérances en ce monde, et il n’avait pas pu dire un mot pour repousser l’accusation.

Le lendemain de ce bal chez madame Madden, sir Henry entra chez sa femme pendant qu’elle était encore à sa toilette :

— À propos, dit-il, je vous ai vue hier au soir chez madame Madden.