Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/242

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quel elle avait jadis répété après lui ses paroles.

— Vous savez, je l’espère, que je vous voudrais heureuse — que je ferais tout au monde pour que vous le fussiez ?

— Vous n’y pouvez plus rien, monsieur Bertram. En disant ces mots, elle appuya involontairement sur le mot plus, de façon à donner à ses paroles plus de portée qu’elle ne l’aurait voulu.

— C’est vrai, dit-il. C’est vrai ; que puis-je faire ? Qu’aurais-je pu faire ? Mais dites que vous me pardonnez, lady Harcourt.

— Pardonnons-nous l’un l’autre, dit-elle à voix basse, et, tout en parlant, elle lui tendit la main. Pardonnons-nous. C’est là tout ce que nous pouvons faire l’un pour l’autre.

— Oh ! Caroline, Caroline ! dit George tout bas, sans oser la regarder encore, mais en cherchant à retenir la main qu’elle voulut retirer dès qu’il eut parlé.

— J’ai été injuste envers vous l’autre soir. On n’est pas facilement juste quand on est très-malheureux. Nous avons été comme des enfants qui se seraient querellés au sujet de leur joujou et qui l’auraient cassé en mille morceaux alors qu’il était encore tout neuf. Nous ne pouvons plus en rajuster les fragments. Le roseau brisé ne produit plus de doux sons.

— Non, dit-il. Non, non. Aucun son n’est doux désormais ; il n’y a plus de musique dans le monde.

— Comme nous avons tous deux péché, nous devons tous deux pardonner.

— Mais moi… je n’ai rien à pardonner.