Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/300

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proche à sa figure : on avait toutes les peines du monde à se la rappeler. Mais enfin il se savait un bel homme, et il ne comprenait pas qu’on le mît de côté pour un aussi vilain museau que celui de cet étranger venu d’Angleterre. Quant au capitaine Mac Gramm, il n’était point beau et il n’ignorait pas qu’il luttait dans des conditions très-défavorables, puisqu’il possédait une femme légitime. Mais il avait assez d’impudence pour contre-balancer ces deux désavantages.

Pendant le premier dîner qu’ils firent en commun, Arthur Wilkinson ne témoigna qu’une froide politesse à madame Price ; mais Bertram ne tarda pas à montrer un empressement chaleureux à l’égard de madame Cox. Il est si doux de se voir adresser les sourires de la plus jolie femme du salon ! et il y avait si longtemps que Bertram n’avait vu un sourire de jolie femme ! Depuis dix-huit mois il était complètement sevré de ces sourires-là.

Avant la fin du dîner, madame Cox avait appris à Bertram que son amie madame Price et elle étaient toutes les deux plongées dans une profonde affliction. Elles avaient, l’une et l’autre, récemment perdu leurs maris ; l’un était mort du choléra : c’était ce pauvre cher Cox, qui, de son vivant, était collecteur des taxes de l’honorable compagnie des Indes à Panjabee ; l’autre, le lieutenant Price, du 71e régiment d’infanterie indigène du Bengale, avait succombé à… Ici madame Cox secoua la tête, dit quelques mots à voix basse, et montra du doigt le verre de vin de Champagne, que Bertram remplissait pour elle. Ce pauvre Cox