Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/365

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de m’ennuyer avant de savoir que George Bertram serait mon compagnon de route.

« Je me demande quelquefois si vous vous rappelez le jour où je vous ai conduite en voiture à la station de Ripley. Il y a dix-huit mois de cela, si je ne me trompe, mais il me semble, à moi, qu’il y a bien plus longtemps. Je comptais ce jour-là vous dire ce que j’ai à vous dire aujourd’hui, mais je ne l’ai pas fait. Il y a bien des années déjà je voulais vous parler, mais je ne l’osais pas. Vous savez ce que je veux dire. Je n’osais pas vous demander de partager ma pauvreté et de venir prendre place dans un intérieur comme le mien.

« Mais, Adela, il y a bien des années que je vous aime. Vous rappelez-vous comme vous me consoliez dans ce triste temps où j’ai tant désappointé ma famille à ma sortie de l’Université ? Je m’en souviens si bien ! J’étais sur le point de vous dire alors que je vous aimais, mais c’eût été de la folie. Puis vint la mort de mon pauvre père, et il me fallut accepter la cure aux conditions que vous savez. Je me dis alors qu’il était de mon devoir de ne pas me marier. Je crois que je vous fis part de cette résolution, mais sans doute vous avez oublié tout cela.

« Je ne suis pas plus riche aujourd’hui, mais je suis moins jeune. Il me semble que je redoute moins la pauvreté pour moi-même, et — me pardonnerez-vous de vous le dire ? — j’ai moins de scrupules à vous demander d’être pauvre avec moi. N’allez pas croire que je me tienne pour assuré de votre consentement. Bien