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Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/367

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déjeuner avant l’arrivée du facteur. Adela était seule par conséquent lorsqu’elle reçut la lettre d’Arthur. Dès les premiers mots elle en devina le contenu, et ses yeux se remplirent aussitôt de larmes. Enfin elle allait être récompensée de sa patience ! De sa patience ? Non ; de son amour bien plutôt, — de son amour qui n’avait jamais varié, que l’absence n’avait pas affaibli, et qui avait su vivre sans le moindre espoir ; de cet amour qu’elle s’était avoué à elle-même, et qu’elle avait accepté et subi comme une grande infortune. Enfin ! elle regarda la lettre sans pouvoir la lire ; puis elle la retourna et parvint, à travers ses larmes, à voir les derniers mots : « Croyez que je vous aime bien tendrement. » Ce n’étaient là ni les paroles brûlantes, ni les protestations violentes d’un amant passionné ; mais, venant de lui, cela suffisait. Elle tenait donc sa récompense !

Puis elle lut la lettre tout entière. Ah ! oui, elle se rappelait bien ce jour où il l’avait conduite en voiture à la station de Ripley. C’était alors qu’il lui avait dit ces mots qu’elle n’avait pu oublier : « Et vous, Adela, viendriez-vous dans une pareille maison ? » Oui, oui, elle y serait venue — si on avait su le lui demander. Mais lui ?… Il avait semblé s’attendre à ce que la proposition viendrait d’elle, et elle n’avait pas voulu s’abaisser jusque-là. Quant à vivre avec lui, elle vivrait avec lui dans n’importe quelle maison ! Que serait son amour, si elle ne pouvait faire cela ? Elle se souvenait parfaitement aussi de l’avoir consolé. C’était alors qu’elle avait commencé à l’aimer, quand il faisait ces