Page:Trollope - Les Bertram, volume 2.djvu/75

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Mais Adela lui expliqua de sa voix la plus douce qu’il serait meilleur pour elle de quitter ce voisinage ; qu’elle y souffrait trop, et que le souvenir de la perte de son père serait peut-être moins cuisant si elle pouvait s’éloigner pendant un peu de temps. Ah ! que les femmes sont hypocrites ! Ophélie elle-même, au milieu de son égarement, ne cherche-t-elle pas à faire croire qu’elle pleure son père assassiné, alors que nous savons tous qu’elle est folle d’amour pour Hamlet ? Et voici maintenant Adela qui est obligée de quitter Hurst-Staple parce que son pauvre vieux père est enterré près de là à West-Putford ! Je sais dix mots qui auraient à jamais recouché dans sa tombe ce fantôme-là. Mais à quoi sert la parole aux femmes, si ce n’est pour cacher leurs pensées ?

À l’exception d’Arthur, Bertram n’avait parlé à personne du mariage de Caroline. Madame Wilkinson avait bien essayé une ou deux fois d’aborder ce sujet, mais en vain. Il n’était pas possible à George d’ouvrir son cœur à madame Wilkinson.

— Comme, cela, Adela, vous allez nous quitter ? lui dit-il le jour où il apprit que la jeune fille partait. Tout le monde dans la famille disait Adela tout court, et George avait appris à faire comme les autres. Quelquefois des intimités s’établissent ainsi après cinq jours passées ensemble, tandis que, par contre, vingt années de connaissance ne les font pas toujours naître.

— Oui, monsieur Bertram. Je ne les ai que trop dérangées ici, il est temps que je parte.

— « Donne la bienvenue à l’hôte qui arrive, aide au