Page:Trotsky - La Révolution défigurée, 1929.djvu/11

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actuelle, le pouvoir soviétique continue à s’appuyer sur le prolétariat, bien que sous une forme de moins en moins directe. Mais, par le canal des couches sociales ci-dessus énumérées, il tombe de plus en plus sous l’influence des intérêts bourgeois. Cette pression se fait d’autant plus sensible qu’une grande partie non seulement de l’appareil d’État, mais aussi de l’appareil du Parti, devient sinon l’agent conscient, du moins l’agent bénévole des conceptions et des espérances bourgeoises. Quelle que soit la faiblesse de notre bourgeoisie intérieure, elle a conscience, avec juste raison, d’être une fraction de la bourgeoisie mondiale, et elle constitue le mécanisme de transmission de l’impérialisme mondial. Mais même la base intérieure de la bourgeoisie est très loin d’être négligeable. Dans la mesure où l’économie rurale se développe sur les bases individuelles du marché, elle fait fatalement sortir de son sein une nombreuse petite bourgeoisie rurale. De moujik enrichi ou le moujik qui ne cherche qu’à s’enrichir et qui se heurte aux barrières de la législation soviétique, est l’agent naturel des tendances bonapartistes. Ce fait, démontré par toute l’évolution de l’histoire moderne, s’est une fois de plus vérifié dans l’expérience de la République soviétique. Telles sont les origines sociales des éléments de dualité du pouvoir qui caractérisent le deuxième chapitre, postérieur à la mort de Lénine, de la Révolution d’Octobre.

Il va sans dire que même la première période — 1917-1923 — n’est pas homogène d’un bout à l’autre. Da aussi, il y a eu non seulement des mouvements en avant, mais des reculs. Là aussi, la Révolution a fait d’importantes concessions : d’une part à la classe paysanne, d’autre part à la bourgeoisie mondiale. Brest-Litovsk fut le premier recul de la Révolution victorieuse. Après quoi, la Révolution reprit sa marche en avant. Da politique de concessions commerciales et industrielles, si modestes que soient jusqu’à présent ses résultats pratiques, constitua en principe une sérieuse manœuvre de recul. Cependant, le plus grand recul fut, d’une façon géné-