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PRÉFACE


Je ne puis nier que ma vie n’a pas été des plus ordinaires. Mais il faut en chercher les causes plutôt dans les circonstances de l’époque qu’en moi-même. Bien entendu, il fallait aussi qu’il existât certains traits personnels pour remplir la tâche, bonne ou mauvaise, que j’ai remplie. Cependant, dans d’autres circonstances historiques, ces particularités personnelles auraient pu paisiblement somnoler, de même que somnolent, innombrables, des inclinations et passions humaines que la vie sociale ne réclame pas. En revanche il se peut que se soient manifestées d’autres qualités qui sont actuellement refoulées ou écrasées. Au-dessus du subjectif s’élève l’objectif, et en fin de compte c’est lui qui décide.

Mon activité consciente et active — qui commença vers mes dix-sept ou dix-huit ans — a été dans une lutte constante pour des idées déterminées. Dans ma vie personnelle, il n’y a pas eu d’événements qui méritent en soi l’attention de l’opinion publique. Tous les faits, quelque peu remarquables de mon passé se rattachent à la lutte révolutionnaire et prennent d’elle leur sens. C’est seulement cette considération qui peut justifier la publication de mon autobiographie.

Au moment où paraîtra ce livre, j’aurai cinquante ans[1]. Le jour de ma naissance coïncide avec celui de la révolution d’Octobre. Les mystiques et les disciples de Pythagore peuvent tirer de là les conclusions qu’ils voudront. Je ne me suis aperçu moi-même de cette curieuse coïncidence que trois ans après les journées d’Octobre. Jusqu’à l’âge de neuf ans, j’ai vécu dans une campagne éloignée de tout,

  1. Écrit en septembre 1929. Voir Postface.