Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/100

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à sa tête Lavoisier, le plus grand chimiste de l’époque, et procura par cette innovation, sans parler de tous les autres avantages qu’elle présentait, un revenu de 8 à 900,000 livres au gouvernement. En même temps, il envoyait des savants dans les Indes pour étudier les causes de la formation et de l’abondance du salpêtre dans ces contrées ; il faisait traduire et publier les méthodes sur l’art d’établir des nitrières artificielles, et chargeait l’Académie des sciences de décerner un prix de 4,000 livres au Mémoire où l’on aurait traité le mieux : Des moyens les plus prompts et les plus économiques d’accroître la production du salpêtre, et des moyens surtout de se dispenser des recherches que les salpêtriers ont le droit de faire dans les maisons des particuliers, droit dont l’arrêt du Conseil sur la matière déterminait l’époque de révocation[1].

Depuis dix ans, les frais de banque, de négociation des papiers de crédit, de commissions pour les marchés, coûtaient, année moyenne, près de neuf millions à l’État. Le ministre les réduisit au tiers, en posant pour principe que, sauf empêchement absolu, toutes les dépenses devaient se faire au comptant. Le banquier de la cour lui parut un intermédiaire fort inutile, et il le supprima.

Les officiers de finances pullulaient depuis la fondation de la monarchie pour ainsi dire, parce qu’une fiscalité inepte trouvait bons tous les moyens d’amener quelque argent dans le Trésor[2]. Il y avait par élection, bailliage, viguerie, ou autres divisions territoriales, trois ou quatre receveurs des tailles, lesquels exerçaient alternativement leurs fonctions. Ils touchaient des remises sur le produit de l’impôt, et, sous le nom de gages, l’intérêt du capital versé pour l’acquisition de leurs offices. Turgot, qui procédait avec autant de modération que de sagesse, déclara que le décès ou la démission des titulaires d’un même emploi entraînerait l’extinction de leurs charges,

  1. Voyez tome II, p. 418 et suiv.
  2. C’est cette même fiscalité qui a, de nos jours, par la loi de finances du 28 avril 1816, reconstitué la vénalité des offices au profit des avocats à la Cour de cassation, notaires, avoués, greffiers, huissiers, agents de change, courtiers et commissaires-priseurs.