Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/143

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attachée par le besoin de la subsistance à un travail particulier, puisse être employée aux besoins généraux de la société, comme la guerre et l’administration de la justice, soit par un service personnel, soit par le payement d’une partie de ses revenus avec laquelle l’État ou la société soudoie des hommes pour remplir ces fonctions. Le nom qui lui convient le mieux par cette raison est celui de classe disponible.

§ XVI. — Ressemblance entre les deux classes laborieuses ou non disponibles.

Les deux classes des cultivateurs et des artisans se ressemblent par bien des rapports, et surtout en ce que ceux qui les composent ne possèdent aucun revenu et vivent également de salaires qui leur sont payés sur les produits de la terre ? Les uns et les autres ont encore cela de commun qu’ils ne gagnent que le prix de leur travail et de leurs avances, et ce prix est à peu près le même dans les deux classes. Le propriétaire marchande avec ceux qui cultivent la terre pour leur abandonner la moindre part possible des produits, de la même manière qu’il dispute avec son cordonnier pour acheter ses souliers le moins cher qu’il est possible. En un mot le cultivateur et l’artisan n’ont tous deux que la rétribution de leur travail.

§ XVII. — Différence essentielle entre les deux classes laborieuses.

Mais il y a cette différence entre les deux genres de travaux, que le cultivateur produit son propre salaire, et en outre le revenu qui sert à salarier toute la classe des artisans et autres stipendiés ; au lieu que les artisans reçoivent simplement leur salaire, c’est-à-dire leur part de la production des terres en échange de leur travail, et ne produisent aucun revenu. Le propriétaire n’a rien que par le travail du cultivateur ; il reçoit de lui sa subsistance et ce avec quoi il paye les travaux des autres stipendiés. Il a besoin du cultivateur par la nécessité de l’ordre physique, en vertu duquel la terre ne produit point sans travail ; mais le cultivateur n’a besoin du propriétaire qu’en vertu des conventions et des lois qui ont du garantir aux premiers cultivateurs et à leurs héritiers la propriété des terrains qu’ils avaient occupés, lors même qu’ils cesseraient de les cultiver, et cela pour prix des avances foncières par lesquelles ils ont mis ces terrains en état d’être cultivés, et qui se sont pour ainsi dire incorporées au sol même. Mais ces lois n’ont pu garantir à l’homme oisif que la partie de la production que la terre donne