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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/247

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gociants, ne peuvent leur être confiés par les propriétaires qu’autant que ceux-ci y trouveront un avantage capable de les dédommager de la privation d’un argent dont ils pourraient user, et des risques attachés à toute entreprise de commerce. Si l’argent prêté ne rapportait point d’intérêt, on ne le prêterait point ; si l’argent prêté pour des entreprises incertaines ne rapportait pas un intérêt plus fort que l’argent prêté sur de bonnes hypothèques, on ne prêterait jamais d’argent à des négociants. S’il était défendu de retirer des intérêts d’un argent qui doit rentrera des échéances fixes, tout argent dont le propriétaire prévoirait avoir besoin dans un certain temps, sans en avoir un besoin actuel, serait perdu pendant cet intervalle pour le commerce ; il resterait oisif dans les coffres du propriétaire qui n’en a pas besoin, et serait anéanti pour celui qui en aurait un besoin urgent. L’exécution rigoureuse d’une pareille défense enlèverait à la circulation des sommes immenses, que la confiance de les retrouver au besoin y fait verser à l’avantage réciproque des prêteurs et des emprunteurs ; et le vide s’en ferait nécessairement sentir par le haussement de l’intérêt de l’argent, et par la cessation d’une grande partie des entreprises de commerce.

XX. — Nécessité d’abandonner la fixation de l’intérêt dans le commerce aux conventions des négociants, et au cours des différentes causes qui le font varier ; indication de ces causes.

Il est donc d’une nécessité absolue, pour entretenir la confiance et la circulation de l’argent, sans laquelle il n’est point de commerce, que le prêt d’argent à intérêt sans aliénation du capital, et à un taux plus fort que le denier fixé pour les rentes constituées, soit autorisé dans le commerce. Il est nécessaire que l’argent y soit considéré comme une véritable marchandise dont le prix dépend de la convention, et varie, comme celui de toutes les autres marchandises, à raison du rapport de l’offre à la demande. L’intérêt étant le prix de l’argent prêté, il hausse quand il y a plus d’emprunteurs et moins de prêteurs ; il baisse au contraire quand il y a plus d’argent offert à prêter qu’il n’en est demandé à emprunter. C’est ainsi que s’établit le prix courant de l’intérêt ; mais ce prix courant n’est pas l’unique règle qu’on suive, ni qu’on doive suivre pour fixer le taux de l’intérêt dans les négociations particulières. Le risque que peut courir le capital dans les mains de l’emprunteur, le besoin de celui-ci, et les profits qu’il espère tirer de l’argent qu’on lui prête, sont