Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/279

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posés ou de courtiers, ils sont toujours libres de le faire. Il est bien plus naturel qu’ils confient leurs affaires à des hommes qu’ils ont choisis et auxquels ils ont une confiance personnelle, qu’à des particuliers qui n’auraient d’autre titre à leur confiance que d’avoir acheté l’office de courtier ou d’agent de change. Il est étonnant que les juges-consuls d’Angoulême n’aient pas senti que ces courtiers privilégiés et exclusifs, et les droits qui leur seraient attribués, seraient une surcharge pour leur commerce. L’utilité prétendue dont on veut qu’ils soient pour fixer le cours de la place me paraît entièrement chimérique. Il n’est point nécessaire, comme le suppose l’avocat au Conseil qui a dressé la consultation en faveur des capitalistes d’Angoulême, qu’il y ait un taux de la place fixé par des agents de change ou par une délibération de tous les banquiers, pour autoriser le taux de l’intérêt et justifier les négociations du reproche d’usure. L’intérêt doit, comme je l’ai déjà dit, varier à raison du plus ou du moins de solvabilité de l’emprunteur, et il n’en devient pas plus nécessaire, mais plus impossible de le régler.

Le vrai remède aux inconvénients que vient d’éprouver la place d’Angoulême est dans l’interdiction de toute accusation d’usure, à l’occasion de négociations faites par des commerçants.

Il a été un temps où la proposition faite par les juges-consuls d’Angoulême aurait pu être accueillie comme un moyen de procurer quelque argent au roi ; mais outre que cette ressource serait infiniment modique, le Conseil est sans doute à présent trop éclairé pour ne pas sentir que de tous les moyens de procurer de l’argent au roi, les plus mauvais sont ceux qui surchargent le commerce de frais, qui le gênent par des privilèges exclusifs, et surtout qui l’embarrassent par une multitude d’agents et de formalités inutiles. Je ne suis donc aucunement d’avis de créer à Angoulême les charges de courtiers et d’agents de change dont les consuls sollicitent l’établissement.

LIII. — Conclusion et avis.

Pour me résumer sur l’objet principal de ce Mémoire, mon avis se réduit à proposer d’évoquer au Conseil les accusations d’usure pendantes au Sénéchal d’Angoulême, et d’en renvoyer la connaissance à une commission particulière du Conseil[1], laquelle serait en

  1. L’affaire fut évoquée au Conseil. Les procédures contre les prêteurs furent abolies, avec défenses d’en intenter de pareilles à l’avenir. — La loi demandée ne fut pas faite.