Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Je me proposais, en un mot, de faire un livre qui méritât, monsieur, de fixer votre attention, qui pût vous convaincre et dissiper les nuages qui obscurcissent encore cette question pour une partie du public. Car, quoique presque tout ait été dit, et dit même avec évidence sur le commerce des grains, il faut bien traiter encore cette matière, puisque des personnes d’ailleurs éclairées doutent encore, et que ces doutes ont fait une grande impression sur un très-grand nombre d’hommes. Il faut envisager l’objet sous tant de faces, qu’on parvienne à la fin à le faire voir de la même manière à quiconque voudra l’examiner avec attention. Il est absolument nécessaire que le public sache à quoi s’en tenir sur un point aussi important, afin que les ministres présents et à venir puissent être assurés de la justesse des moyens qu’ils doivent adopter, et qu’une vue nette leur donne la sécurité dont ils ont besoin en agissant. Il faut que les vérités fondamentales de cette matière deviennent communes et triviales, afin que les peuples sachent et par eux-mêmes et par le témoignage unanime des gens éclairés, que le régime sous lequel ils ont à vivre est le seul bon, le seul qui pourvoie efficacement à leur subsistance ; afin qu’ils ne se privent point eux-mêmes des secours du commerce, en le flétrissant du nom odieux de monopole, et en le menaçant continuellement de piller ses magasins ; afin qu’ils ne se croient point autorisés à faire un crime à l’administration de la variété des saisons, à exiger d’elle des miracles, à la calomnier, et à se révolter contre elle, quand elle les sert avec le plus d’efficacité.

Je sais, monsieur, que vous n’adoptez pas mes idées sur la nécessité de discuter cette matière au tribunal du public ; mais c’est encore là un point sur lequel je suis trop fortement convaincu pour ne pas tenir à mon opinion, et ce sera aussi l’objet d’une de mes observations.

Il aurait fallu plus de temps et surtout moins de distractions forcées que je n’en ai eu pendant mon séjour à Paris et depuis mon retour dans la province, pour remplir un plan aussi étendu et surtout pour y mettre l’ordre et l’enchaînement d’idées désirables.

Je ne puis m’empêcher à ce sujet de vous faire sentir l’inconvénient de l’excessive brièveté du délai que vous donnez aux intendants pour vous envoyer leurs observations sur le projet de règlement que vous leur avez communiqué. Vous leur écrivez le 2 octobre ; quel-