Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/299

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On n’ose pas faire des magasins lorsqu’ils attirent la haine publique et provoquent les ordres de vendre à perte.

On n’ose pas importer de l’étranger quand on a les mêmes dangers à craindre, et celui de ne pouvoir réexporter dans le cas où le débit à l’intérieur ne présenterait pas de bénéfice. C’est ce que M. Turgot avait irrésistiblement démontré dans ses deux lettres précédentes.

Au contraire, lorsque les magasins sont permis et protégés, et que la liberté de l’exportation offre un débouché au dehors dans les années trop surabondantes ; lorsque l’importation, n’étant pas repoussée par la défense de réexporter, offre un secours naturel dès que le renchérissement dans l’intérieur promet aux importateurs un bénéfice raisonnable, il est clair que la variation des prix doit devenir moindre, et l’expérience prouve encore qu’il en est ainsi.

M. Turgot examina ce qui devait arriver dans l’une et dans l’autre position. — En donnant l’extrait de ses observations, nous emploierons comme lui les mesures et la nomenclature qui avaient lieu lorsqu’il écrivait ; mais nous croyons utile de rapprocher l’évaluation des prix et des dépenses de leur état actuel : ce qui ne change rien au raisonnement, et en rendra seulement l’application plus usuelle pour les lecteurs qui voudront profiter de ses lumières.

La production étant supposée, pour les terres de la qualité la plus ordinaire, ni excellentes, ni ingrates, dans les années abondantes, de sept setters de blé par arpent ;

Dans les bonnes années, de six setiers ;

Dans l’année moyenne, de cinq ;

Dans les années faibles, de quatre ;

Et dans les très-mauvaises, seulement de trois ; ce qui s’écarte peu de la réalité : voici quelles sont les variations des prix et du produit trop constatées par l’expérience des temps où le commerce n’a pas été libre[1].

  1. C’est une des heureuses propriétés des céréales de ne jamais manquer complètement. La proportion qu’indique Turgot est même exagérée ; il est extrêmement rare que la récolte des blés soit diminuée de moitié. C’est bien assez, pour le malheur public, d’une diminution de deux hectolitres sur huit, ou du quart de la récolte. Une diminution plus grande est tout à fait exceptionnelle, et ces tristes années sont des événements qui laissent de profonds souvenirs dans la vie des peuples.

    C’est pour cette raison, c’est à cause de cette première propriété du blé, aussi