Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/309

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L’approvisionnement en magasins, pour subvenir aux besoins d’une année faible, doit être d’environ deux mois : il excéderait 300 millions d’avances, qui exigeraient un intérêt de 15 millions par an, et une régie qui, lut-elle au plus haut degré de perfection, ne pourrait coûter moins de 15 autres millions.

Ce capital de 300 millions, naturellement fourni dans l’état de liberté par 100,000 propriétaires qui recueillent directement la denrée, et par 50,000 négociants grands ou petits, se trouve mis en activité de lui-même, pourvu qu’on ne s’y oppose pas. Mais nul gouvernement ne pourrait ni le rassembler, ni obliger, en aucun pays, ses municipalités à faire l’avance d’un tel capital, ni d’aucun autre qui fût dans la même proportion avec les besoins des habitants et la culture du territoire.

Il en est de même pour l’importation lorsqu’elle devient nécessaire. Le commerce libre y pourvoit sans peine par son crédit, qu’il prolonge ou renouvelle, jusqu’à ce que l’argent du consommateur ait payé la denrée. Un gouvernement ou des municipalités seraient obligées de payer comptant, elles ne pourraient ni trouver les fonds, ni se les procurer subitement par un crédit que les besoins politiques absorbent sans cesse, surpassent souvent.

En rapportant ces calculs, je n’ai fait qu’ajouter aux nombres qu’employait M. Turgot pour une nation qui n’était alors que de 23 à 24 millions d’âmes, ceux qui étaient nécessaires pour qu’ils pussent cadrer encore aujourd’hui à une nation dont la population s’est élevée jusqu’à environ 32 millions d’individus, mais dont l’impôt territorial, au lieu d’être sur le pied du tiers du revenu, ne doit plus, selon les intentions du gouvernement, être que dans la proportion d’un cinquième. J’ai cru par là rendre ses conclusions aussi frappantes qu’elles l’étaient lorsqu’il adressa au ministre cette intéressante lettre, parce qu’elles sont dans le même rapport avec les données actuelles.

Cette lettre, comme on peut en juger même à travers les défauts de l’extrait trop resserré que nous en donnons, n’était pas la moins démonstrative : elle était la plus longue des sept qu’il a rédigées sur son important sujet. Il y crut la question résolue, et consacra les trois lettres suivantes à répondre aux objections verbales que M. l’abbé Terray lui avait faites dans leur dernière conversation. — Nous allons les transcrire. — Le lecteur, en retrouvant le style cor-