Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/435

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lui aurez donné des mœurs, vous aurez fait de grandes choses, et il ne vous en aura pas tant coûté que pour fonder un collège.

L’autre classe de besoins publics auxquels on a voulu subvenir par des fondations, comprend ceux qu’on peut regarder comme accidentels, qui, bornés à certains lieux et à certains temps, entrent moins dans le système de l’administration générale, et peuvent demander des secours particuliers. Il s’agira de remédier aux maux d’une disette, d’une épidémie ; de pourvoir à l’entretien de quelques vieillards, de quelques orphelins, à la conservation des enfants exposés ; de faire ou d’entretenir des travaux utiles à la commodité ou à la salubrité d’une ville ; de perfectionner l’agriculture ou quelques arts languissants dans un canton ; de récompenser des services rendus par un citoyen à la ville dont il est membre, d’y attirer des hommes célèbres par leurs talents, etc. Or, il s’en faut beaucoup que la voie des établissements publics et des fondations soit la meilleure pour procurer aux hommes tous ces biens dans la plus grande étendue possible. L’emploi libre des revenus d’une communauté, ou la contribution de tous ses membres dans le cas où le besoin serait pressant et général ; une association libre et des souscriptions volontaires de quelques citoyens généreux, dans le cas où l’intérêt sera moins prochain et moins universellement senti : voilà de quoi remplir parfaitement toutes sortes de vues vraiment utiles ; et cette méthode aura sur celle des fondations cet avantage inestimable, qu’elle n’est sujette à aucun abus important. Comme la contribution de chacun est entièrement volontaire, il est impossible que les fonds soient détournés de leur destination. S’ils l’étaient, la source en tarirait aussitôt ; il n’y a point d’argent perdu en frais inutiles, en luxe et en bâtiments. C’est une société du même genre que celles qui se font dans le commerce, avec cette différence qu’elle n’a pour objet que le bien public ; et comme les fonds ne sont employés que sous les yeux des actionnaires, ils sont à portée de veiller à ce qu’ils le soient de la manière la plus avantageuse. Les ressources ne sont point éternelles pour des besoins passagers : le secours n’est jamais appliqué qu’à la partie de la société qui souffre, à la branche de commerce qui languit. Le besoin cesse-t-il, la libéralité cesse, et son cours se tourne vers d’autres besoins. Il n’y a jamais de doubles ni de triples emplois, parce que l’utilité actuelle reconnue est toujours ce qui détermine la générosité des bienfaiteurs publics. Enfin, cette méthode ne re-