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Section XIX. — Si, en cas que le bill de naturalisation eût passé, il est probable que les mendiants en eussent le plus profité ?

I. Un bill de naturalisation est-il un motif dont les mendiants aient besoin ?

Si mille mendiants étrangers venaient dans ce pays, la loi donne-t-elle aux juges de paix[1] aux maires ou à quelques autres magistrats le pouvoir de les faire sortir de la Grande-Bretagne, de lever quelque taxe à cet effet, ou d’y appliquer une partie des revenus publics ? Si les magistrats n’ont pas ce pouvoir, le bill de naturalisation donnerait-il aux mendiants plus de facilité qu’ils n’en ont à présent ?

II. Les fainéants sont-ils les plus portés à quitter leur pays ? Les gens de cette sorte, Écossais ou Gallois, qui n’ont cependant point de mer à passer, les Irlandais, qui sont volontiers mendiants de profession, prennent-ils la peine de venir en Angleterre pour faire ce métier ? Si l’on voit quelquefois des gens de ces pays-là demander l’aumône en Angleterre, ne sont-ce pas pour la plupart des travailleurs qui étaient venus chercher de l’ouvrage, mais que des maladies ou des accidents inévitables ont réduits à cette nécessité ?

III. Quel but un étranger mendiant pourrait-il se proposer en passant en Angleterre, dont il n’entend pas même la langue, et comment pourrait-il payer les frais de son passage ?

IV. Quand un Anglais veut faire fortune dans un pays étranger, se propose-t-il d’y vivre dans la paresse et dans l’oisiveté ? De même, un marchand ou un artiste étranger qui vient en Angleterre peut-il espérer de s’y enrichir par d’autres moyens que par une application et une industrie du moins égales, sinon supérieures à celles des nationaux ?

V. Cette objection, « que nous serons inondés de mendiants étrangers », peut-elle subsister avec celle-ci, « que les étrangers supplanteront les nationaux et leur ôteront le pain de la bouche » ?

Section XX. — Si, en cas que le bill pour la naturalisation eût passé, il est probable que les libertins et les mauvais sujets eussent été les plus empressés à en profiter.

I. Quelles précautions prend-on maintenant pour empêcher les libertins et les mauvais sujets de venir s’établir en ce pays ? Tout ce

  1. Les juges de paix ont le pouvoir de renvoyer en Irlande les mendiants irlandais, mais ils ne peuvent chasser les mendiants étrangers, et je me suis assuré de ce fait. (Note de l’auteur.)