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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/513

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d’Allemagne est propre à certains usages ; celui d’Angleterre, qui est plus précieux, à d’autres. Or, il y a certaines qualités de Ter que le royaume ne fournit pas, et qu’on est obligé de tirer de l’étranger. À l’égard de l’acier, il est notoire qu’il s’en fabrique très-peu en France ; qu’à peine ce genre de fabrication en est-il à ses premiers essais ; et, quelque heureux qu’ils aient pu être, il se passera peut-être un demi-siècle avant qu’on fasse assez d’acier en France pour subvenir à une partie un peu considérable des usages auxquels l’emploient les manufactures, où l’on est obligé de tirer de l’étranger les outils tout faits, parce qu’on ne sait point en fabriquer en France qui aient la perfection nécessaire, et parce que l’ouvrage perdrait trop de sa qualité et de son prix s’il était fait avec des outils imparfaits. Ce serait perdre ces manufactures, ce serait anéantir toutes celles où l’on emploie l’acier, toutes celles où l’on a besoin de qualités particulières de fer, que d’interdire l’entrée des fers étrangers ; ce serait les conduire à une décadence inévitable que de charger ces fers de droits excessifs ; ce serait sacrifier une grande partie du commerce national à un intérêt très-mal entendu des maîtres de forges.

Cette première considération prouve, ce me semble, que, dans l’état actuel du commerce des manufactures et de celui des fers nationaux, il y aurait de l’imprudence à gêner l’importation des fers étrangers. Celle qui me reste à développer prouvera que jamais cette importation ne cessera d’être nécessaire, et qu’au contraire le besoin ne cessera vraisemblablement d’en augmenter avec le temps.

En effet, il suffit de réfléchir sur l’immense quantité de charbon de bois que consomme la fonte de la mine et sa réduction en métal, sur la quantité non moins immense que consomment les forges et usines où l’on affine le fer, pour se convaincre que, quelque abondant que puisse être le minéral, il ne peut être mis en valeur qu’autant qu’il se trouvera à portée d’une très-grande quantité de bois, et que ces bois auront peu de valeur. Quelque abondante que puisse être une forêt située à portée d’une rivière affluant à Paris, certainement on ne s’avisera jamais d’y établir une forge, pane que le bois y a une valeur qu’on ne retrouvera jamais sur la vente des fers qui en seraient fabriqués. Aussi, le principal intérêt qu’on envisage dans l’établissement d’une forge est celui de donner une valeur