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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/526

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peut se passer, qui sont en même temps d’un volume à ne pas permettre la fraude ; mais alors le pauvre paye, ou du moins avance tout l’impôt, ce qui lui devient très-pénible. La richesse, qui rembourse cette avance, ne paye d’abord presque rien, et même à la fin ne paye que tard.

On croit par ces droits d’entrée faire payer les villes ; mais c’est dans la réalité faire payer les campagnes qui produisent les denrées taxées. Car les habitants des villes ont des revenus bornés, et ne peuvent acquitter la taxe qu’en mésoffrant sur le prix à payer aux producteurs et premiers vendeurs de denrées, et en restreignant leur consommation ; et nous avons déjà vu que ces deux opérations qui se combinent naturellement ont le même résultat.

Les ridicules tarifs qu’on a laissé faire aux habitants de toutes les villes, ont presque tous pour objet de porter toute l’imposition sur ce qu’ils appellent l’étranger.

On fait payer plus cher aux marchands forains qu’aux bourgeois ; c’est donner à ceux-ci un monopole au préjudice des simples habitants des villes.

Dans la plupart de ces tarifs on a cru devoir tout taxer. Par là on s’est jeté dans un labyrinthe inextricable d’évaluations, de disputes, etc.

De plus, en taxant le commerce, on tend à le diminuer.

L’effet naturel de toutes ces taxes dans les villes serait de changer les villes de place, ou de les étendre au delà des véritables convenances des habitants, en bâtissant dans les faubourgs pour éluder les droits. La seule cause qui s’oppose à cet effet est un autre mal pire encore, c’est le triste état des habitants de la campagne et les vexations multipliées qui les poursuivent, tandis que les habitants des villes, étant plus riches et plus près du gouvernement, ayant plus d’instruction et de crédit, formant par leur réunion une masse plus imposante que ceux des campagnes, quoique ces derniers soient du double plus nombreux, ont pu se soustraire à une grande partie des injures et des mauvais traitements que les cultivateurs ont eu et ont encore à subir.

Si les campagnes n’étaient sujettes qu’à une imposition territoriale, bientôt la plupart des habitants des villes s’y transplanteraient, et ce ne serait point un mal, car alors la consommation serait plus près de la production ; il y aurait moins de frais de transport