Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/549

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coup de rapporter tout ce qu’elle peut produire, une très-forte dépense peut n’augmenter que très-peu la production[1].

Si, au lieu d’augmenter les avances par degrés égaux au-dessus du point où elles rapportent le plus, on les diminue au contraire, on doit trouver le même changement dans la proportion. Il est non-seulement concevable, mais il est certain que de très-faibles avances donnent un profit beaucoup moindre que des avances très-fortes, et cela dans une proportion bien plus grande que celle des avances. Si 2,000 livres rapportent 5000, 1,000 n’en rapporteront peut-être pas 1,500, et 500 ne rapporteront pas 600.

La semence jetée sur une terre naturellement fertile, mais sans aucune préparation, serait une avance presque entièrement perdue. Si on y joint un seul labour, le produit sera plus fort ; un second, un troisième labour pourront non pas simplement doubler et tripler, mais quadrupler et décupler le produit, qui augmentera ainsi dans une proportion beaucoup plus grande que les avances n’accroissent, et cela jusqu’à un certain point où le produit sera le plus grand qu’il soit possible, comparé aux avances.

Passé ce point, si on augmente encore ces avances, les produits augmenteront encore, mais moins, et toujours de moins en moins jusqu’à ce que, la fécondité de la terre étant épuisée et l’art n’y pouvant plus rien ajouter, un surcroît d’avance n’ajouterait absolument rien au produit.

J’observerai que ce serait une erreur d’imaginer que le point où les avances rapportent le plus qu’il est possible soit le plus avantageux où la culture puisse atteindre, car quoique de nouvelles augmentations d’avances ne rapportent pas tout à fait autant que les augmentations précédentes, si elles rapportent assez pour augmenter le produit net du sol, il y a de l’avantage à les faire, et ce sera toujours de l’argent très-bien placé. Si par exemple on suppose, avec l’auteur, que les avances annuelles d’une bonne culture rapportent 250 pour 100, une augmentation qui rapporterait 225 pour 100 serait encore infiniment profitable. Car, l’intérêt des avances primitives et la rentrée des premières avances annuelles étant déjà prélevés sur les 250 pour 100, et ce prélèvement laissant encore un produit net

  1. M. Rossi a développé, avec la profondeur de vues qui le caractérise, toutes ces judicieuses réflexions de Turgot, à la fin de la septième leçon du tome Ier de son Cours d’économie politique. (E. D.)