Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/565

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teur sont petite, plus celle du propriétaire ou des autres copartageants du produit net sera considérable. Mais, si le cultivateur n’avait pas un produit honnête et proportionné à ses avances, s’il n’était pas assez riche pour avoir droit à un gros profit par de grosses avances, la production ne serait plus du tout la même, et elle deviendrait d’autant plus faible que le cultivateur s’appauvrirait davantage ; au point que, arrivé à un certain degré de pauvreté, il n’y aurait presque plus de produit net. Il s’en faut donc beaucoup que les principes combattus par l’auteur contredisent le vœu que l’humanité dictait à Henri IV.

Au reste, l’auteur ne paraît pas ici avoir distingué l’entrepreneur de culture du cultivateur salarié, valet de charrue, homme de journée, qui travaille la terre de ses bras. Ce sont pourtant deux espèces d’hommes bien différentes, et qui concourent d’une manière bien différente au grand ouvrage de la reproduction annuelle des richesses. L’entrepreneur de culture contribue à la reproduction par ses avances ; l’homme de peine y contribue par son travail, dont l’entrepreneur de culture lui paye le salaire. Il faut convenir que plus l’entrepreneur donne de gages à ses charretiers, plus il paye cher la journée des moissonneurs et autres journaliers qu’il emploie, plus il dépense en frais, et que cette dépense est toujours en déduction du produit net. — Qu’en conclure ? Cela n’est-il pas vrai dans tous les systèmes ? Y a-t-il un genre de travaux où les profits ne soient diminués par la cherté de la main-d’œuvre ? Et y a-t-il de l’inhumanité à convenir d’une vérité qui n’a besoin que d’être énoncée pour être évidente ? Au reste, il y a entre les richesses produites, le revenu et les salaires, une proportion naturelle qui s’établit d’elle-même, et qui fait que ni l’entrepreneur ni le propriétaire n’ont intérêt que les salaires baissent au-dessous de cette proportion. Outre qu’en tout genre l’homme mal payé, et qui ne gagne pas par son travail une subsistance abondante, travaille moins bien, l’homme salarié, s’il gagne moins, consomme moins ; s’il consomme moins, la valeur vénale des productions du sol est moindre. Or, si lorsque le cultivateur paye ses ouvriers moins cher, il vend son blé moins cher, il est clair qu’il n’en est pas plus riche. La valeur vénale des productions du sol est, à production égale, la mesure des richesses recueillies chaque année par le cultivateur, qu’il partage avec le propriétaire. La haute valeur vénale des denrées du sol et le fort