Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/567

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partiennent ni ne peuvent appartenir à l’État considéré comme un corps politique formé par la réunion des forces communes dirigées vers l’intérêt commun. La comparaison de la mine d’argent, dont l’exploitation coûte 100 marcs et produit 100 marcs, est captieuse. Cette mine d’argent ne rapporte évidemment rien à son propriétaire, ni à l’entrepreneur qui la ferait exploiter pour son plaisir ; mais il est vrai qu’elle laisse dans l’État une valeur de 100 marcs, qui, ne se consommant pas, augmente la somme des valeurs existantes dans l’État, jusqu’à ce que cet argent s’écoule par la voie des échanges au dehors. À cet égard, les richesses renaissantes du sol qui se consomment et se reproduisent annuellement, sont très-différentes des valeurs non consommables qui circulent sans cesse sans jamais être détruites. Certainement, la somme des valeurs dépensées chaque année en frais de culture est entièrement consommée et détruite pour la subsistance des agents de la reproduction. Quant aux valeurs qui circulent sans se détruire, comme les produits des mines, la dépense des frais d’extraction ne les anéantit pas, et ne fait que les changer de mains. On peut donc dire ici que l’État a gagné 100 marcs, dans le sens qu’il existe 100 marcs dans le pays. Mais quelle augmentation en résulte-t-il pour la richesse de l’État, considéré comme corps politique ? Aucune, sinon autant que l’existence de cette nouvelle valeur circulante peut augmenter la somme du revenu ou du produit net des terres, soit en augmentant les avances destinées à la reproduction ou au commerce, si cet argent est réservé pour former un capital et le verser dans un emploi profitable ; soit en augmentant la valeur vénale des productions, si cet argent, porté immédiatement dans la circulation, est présenté dans les marchés aux achats courants des denrées, et en fait hausser le prix. Cette proposition est démontrable ; mais il faudrait, pour la bien éclaircir, développer le véritable usage de l’argent dans le commerce, et l’effet de son introduction plus ou moins abondante dans un État, en considérant cet État comme s’il était isolé, et ensuite comme environné d’autres États avec lesquels il a différents rapports de commerce et de puissance. Ces questions, qui n’ont jamais été bien développées, sont trop étendues pour être traitées ici. Je dirai seulement que l’auteur se trompe beaucoup en ne regardant l’argent que comme un gage conventionnel des richesses. Ce n’est point du tout en vertu d’une convention, que l’argent s’échange contre toutes les autres va-