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ter de lui ôter ; 2o au remplacement de toutes les impositions plus onéreuses qu’il serait si intéressant de supprimer.

Si en 1770 une nouvelle guerre n’exige pas de nouvelles ressources, qui empêchera, au lieu de faire cesser la nouvelle imposition territoriale, de supprimer des impôts indirects pour une somme égale, de rétablir la liberté du commerce par la suppression des droits de traites, de délivrer le peuple de la vexation continuelle que lui causent les impositions domaniales, francs-fiefs, échanges, contrôle, centième denier, etc., etc.[1] ?

S’il vient une guerre, on mettra toutes les impositions que les circonstances forceront d’établir par forme d’addition proportionnelle à l’imposition territoriale. Ce sera une très-bonne occasion de développer, dans le préambule, les vrais principes de la matière des impositions, et d’y préparer les esprits. Il y a lieu de croire que d’ici à six ans ces semences germeront, et que les vérités qui sont aujourd’hui peu connues deviendront populaires. Une autre raison me paraît devoir déterminer à supprimer jusqu’au nom de vingtième ; c’est la nécessité de ne pas changer les principes de l’administration sur cette partie, de manière à avilir de plus en plus l’autorité ; j’aurai occasion de développer cette idée dans l’examen du corps de l’édit.

Il est nécessaire que le roi se réserve, dans les cas de guerre et dans ceux des remplacements d’impositions plus onéreuses, la faculté d’ajouter à la nouvelle imposition territoriale. La manière dont la fixation du vingtième est exprimée semble écarter cette faculté. Il vaudrait donc mieux se borner à dire que le roi veut simplement convertir les vingtièmes et les deux sous pour livre du dixième en une imposition fixée à …, ce qui suffirait pour ôter toute équivoque et rassurer les peuples contre toute augmentation sans loi nouvelle, et laisserait pourtant au roi la faculté de mettre d’autres impositions au marc la livre de celle-là, soit en convertissant ainsi des impositions plus onéreuses et moins équitables ; soit dans le cas d’une augmentation de ressources que la guerre exigerait, si elle survenait de nouveau.

Toutes les observations que feraient naître ces dispositions annoncées dans le préambule, se retrouveront dans l’examen de chacun des articles de l’édit.

Les juges ordinaires sont les bailliages ressortissant aux parlements. Les élections et les cours des aides sont, si l’on veut, les juges naturels des matières d’imposition, mais ne sont point appelés juges ordinaires.

D’ailleurs, ce compliment aux tribunaux me paraît une chose à éviter dans les circonstances présentes. Quand le gouvernement se détermine, par des vues de justice, à supprimer une juridiction extraordinaire et devenue odieuse, on peut très-bien annoncer ce changement au peuple comme un bienfait ; mais, quand il est évident que cette complaisance pour les tribunaux a été arrachée comme par force, je crois que, bien loin de leur en faire un sujet de triomphe en consacrant le langage de leurs plaintes, il faut en cédant, parce qu’on ne peut faire autrement, prendre une tournure telle, que le roi paraisse agir d’une manière libre et indépendante, et pour le seul bien de la chose.

La conversion du vingtième en une imposition territoriale est un moyen de céder sans paraître reculer, et de rendre aux Cours des aides tout ce

  1. Que dirait Turgot, s’il voyait l’impôt indirect figurer pour plus de 765 millions dans notre budget de 1844 ! (E. D.)