Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/628

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trieux n’a d’autres profits que le salaire de son travail ; il reçoit ce salaire du propriétaire de terres, et lui rend par ses consommations la plus grande partie de ce qu’il en a reçu pour son travail. S’il est forcé d’abandonner une partie de son profit, ou il fera payer plus cher son travail, ou il consommera moins. Dans les deux cas, le propriétaire de terres perdra, et peut-être perdra-t-il plus qu’il n’a gagné en rejetant sur l’homme industrieux une partie du fardeau de l’imposition.

Comment doit-on taxer les bestiaux ? Doit-on taxer les bestiaux ? Il y a encore sur cet article bien des raisons de douter. Les bestiaux peuvent être envisagés comme nécessaires au labourage et à l’engrais des terres ; et sous ce point de vue ils ne sont point un revenu, mais un instrument nécessaire pour faire produire à la terre un revenu ; il serait donc plus naturel de chercher à encourager leur multiplication, que d’en faire un objet d’imposition. Considérés sous un autre point de vue, les bestiaux qu’on engraisse et les bêtes à laine donnent un revenu, mais c’est un revenu de la terre. Si donc on impose la terre et les bestiaux séparément, de deux choses l’une, ou l’on fait un double emploi, ou l’on n’a pas imposé la terre à sa valeur. Il est plus simple de ne point taxer les bestiaux et d’imposer la terre dans sa juste proportion.

Un domaine est composé de terres labourables, de maisons, de prairies, etc. Les prairies sont nécessaires pour la nourriture des bestiaux, sans lesquels on ne peut cultiver les terres ; les maisons et autres bâtiments sont indispensables pour loger les colons, pour retirer les bestiaux et serrer les grains. Ces deux objets ne produisent donc rien par eux-mêmes, et servent seulement à mettre les terres labourables en état de produire. Doit-on en conséquence regarder la taxe des prairies et des maisons comme un double emploi, et doit-on la supprimer ? Ou bien faut-il proportionner l’imposition à la valeur entière du domaine, et la répartir sur les prairies, les maisons et les terres labourables à raison de ce que ces différents fonds contribuent à la valeur totale du domaine ? Ce dernier parti semble plus juste, car lorsque les prairies et les terres labourables se trouvent entre les mains de différents propriétaires, comme il arrive quelquefois, il faut bien que le laboureur achète le fourrage du propriétaire de prairies. Alors le produit des prairies n’est pas nul ; mais, du produit des terres labourables il faut déduire comme frais