Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/644

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une évaluation fixe. Ce projet est sans doute susceptible d’une foule de difficultés, et d’oppositions plus fortes encore que les difficultés. Je ne doute pourtant pas que, si une fois il avait été exécuté dans une province avec la précision dont il est susceptible, les lumières que l’on aurait acquises sur la manière d’opérer et sur les avantages qui en résulteraient, feraient disparaître une grande partie des difficultés et réduiraient au silence bien des oppositions. Alors on pourrait étendre l’opération dans les autres provinces avec la sécurité que donnerait le succès. Or, il est certain que jamais gouvernement ne trouvera d’occasion plus favorable pour faire cet essai, que celle qui se présente aujourd’hui en Limousin. La répartition des impositions y est dans une espèce d’état d’indécision où elle ne peut rester. La taille arbitraire y est abrogée, et l’on ne désire point de la voir rétablir ; il y aurait même beaucoup de danger pour les recouvrements. D’un autre côté, le système actuel est imparfait : on le sent, on s’en plaint, on désire une réforme, et celui qui l’entreprendra n’encourra point le reproche si fâcheux de novateur, auquel les mêmes opérations l’exposeraient partout ailleurs. Il y a plus, le roi vient d’annoncer, par une déclaration, le projet de cette réforme ; les Cours des aides de Paris et de Clermont, loin de s’y opposer, ont exigé qu’elle fût prompte et n’ont enregistré qu’à cette condition. Par là, elles se sont comme engagées à concourir à l’opération projetée, et j’ai lieu de croire qu’elles sont l’une et l’autre très-bien disposées. Le travail que j’ai déjà fait peut aussi être compté comme une avance, et quoique vous puissiez trouver en tout autre plus de talents, j’ose présumer que vous ne trouverez en personne plus de zèle ni plus de patience à se livrer à un travail ingrat, et dans lequel la seule vue de l’utilité qui doit en résulter peut me soutenir.

J’ai cru, monsieur, que vous ne désapprouveriez pas que j’aie pris l’occasion de mon intérêt personnel pour mettre sous vos yeux tout ce qui concerne une opération aussi importante. Je fais dépendre tout ce qui me regarde ; de vos vues pour la province où je suis, et le résultat de cette longue lettre est de vous prier de me mettre à portée d’y faire le bien dont je crois qu’elle est susceptible et qui seule m’y attache. Mais, dans le cas où vous croiriez ne pouvoir me donner aucun secours pour y réussir, alors je penserais à moi, et je vous prierais de vouloir bien demander au roi pour moi l’intendance de Lyon. J’ai écrit à M. d’Ormesson à peu près dans le